Le monde des cosmétiques représente un grand champ des possibles. Comment se débrouiller lorsque la peau de votre enfant est à tendance atopique ou réactive ? Les questions se posent alors pour les parents sur le meilleur produit à utiliser . Tentons de comprendre le parcours d’un produit à destination des enfants à peau atopique avec la cosmétologue indépendante Corinne Rodriguez.
Votre domaine d’expertise
Dr C Q : Biochimiste moléculaire et cosmétologue, vous êtes à la tête d’un laboratoire indépendant de recherche et développement en formulation cosmétique. Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots le but de vos recherches?
C.R. « Le développement de formules cosmétiques sur mesure de soins et d’hygiène est notre activité principale. Il est réalisé à destination de marques cosmétiques et dermo cosmétiques dans tous les secteurs de distribution. Notre laboratoire est reconnu pour la création de formules techniques à valeur ajoutée. Nous avons récemment obtenu le renouvellement par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche de son Agrément CIR et de son Agrément CII accordés jusqu’en 2027 »
La Formulation adéquate
Dr CQ: En quoi consiste la formulation cosmétique ?
C.R.Initialement, le client nous transmet le cahier des charges du produit cosmétique qu’il souhaite développer. Ce document comporte généralement une liste d’ingrédients qu’il ne souhaite pas que nous utilisions. Nous respectons bien évidemment son choix. Cependant, notre expertise métier prend aussi le relai pour la sélection rigoureuse des ingrédients en adéquation avec le thème du développement ! De fait, le client bénéficie également de nos compétences fines et de notre retour d’expérience.
Pour faire simple, une formule est une recette de laboratoire. Sa création combine plusieurs approches : technique, toxicologique, réglementaire sans oublier l’approche sensorielle et économique. La conception d’un produit tient compte du futur utilisateur (bébé, enfant, adulte, femme enceinte). Hormis cela d’autres éléments sont pris en considération. Il s’agit de la zone d’application, de la quantité de produit utilisée et de la fréquence d’utilisation. Différents procédés techniques s’appliquent pour établir le mode opératoire de fabrication. De plus, nous tenons compte des réglementations en cours . Celles -ci évoluent constamment et peuvent varier d’un pays à l’autre selon les catégories de produits cosmétiques.
En amont, nous travaillons en collaboration avec des fabricants d’ingrédients cosmétiques. Cela permet de caractériser et d’évaluer le comportement de nouvelles matières premières proposées pour une formulation. »
Les cosmétiques pour enfants
Dr C Q: La surface cutanée d’un enfant est bien moindre que celle d’un adulte. La valeur de sécurité des cosmétiques se base plutôt sur des valeurs d’adulte. C’est ce que montre une enquête 2018 auprès de 1000 bambins. Pouvez-vous nous donnez votre sentiment sur ce fait de société?
C.R.:La peau d’un nourrisson (jusqu’à 1 an), d’un bébé (jusqu’à 3 ans), n’est pas celle d’un enfant, elle-même différente de celle de l’adolescent ou de l’adulte. Ceci tant pour le plan physiologique que pour le ratio poids /surface. La peau du bébé est très fine et sa perméabilité s’en trouve accrue
Lorsqu’une formule cosmétique est établie, elle est par la suite soumise à un expert toxicologue. Celui-ci dispose de différents éléments pour évaluer les marges de sécurité d’utilisation des composants d’une formule proposée ensuite au consommateur. C’est une condition sine qua none préalable à toute mise sur le marché du produit. L’expert dispose des documents technico réglementaires des ingrédients de la formule, des rapports de tests et études qui ont été effectués. En outre, son analyse tient compte du mode et de la fréquence d’utilisation, des futurs utilisatrices (teurs), de la présentation envisagée du produit finalisé sans oublier les allégations marketing souhaitées par le responsable de la mise sur le marché. L’ évaluateur qu’il est doit donc sélectionner le modèle le plus proche des conditions réelles d’utilisation du produit ».
Dr C.Q. Les tests de tolérance pour les produits destinée aux enfant sont-ils particuliers ?
C.R. Concernant les tests de tolérance et d’usage pour les enfants, les laboratoires peuvent être confrontés à des problèmes de législation pour évaluer la tolérance de produits régie par la loi sur la recherche biomédicale. Dans ce cas, en approche parallèle, ils s’orientent vers la réalisation de tests sur adultes présentant une peau sensible diagnostiquée sous contrôle dermatologique. Certains experts toxicologues préconisent également des tests de tolérance sur un épiderme reconstruit. »
La peau fragilisée de l’enfant atopique
Dr CQ: Le revêtement cutané d’un enfant atteint d’eczéma atopique est plus sensible aux allergènes ou aux haptènes . On sait par exemple que l’introduction de protéines alimentaires dans la composition des cosmétiques est sensibilisante. Quelles sont les limites que vous fixez pour les produits émollients ou lavants?
C.R. Sur la thématique de la peau à tendance atopique, la vigilance accrue du développement de formulation est de mise. Les produits dermo cosmétiques de confort (émollient-syndet )en complément des traitements médicamenteux font l’objet de la plus grande attention. Sur le plan technique quel que soit le type de produit, les formules doivent contenir un nombre d’ingrédients réduits sans molécules irritantes pour la peau extrêmement fragilisée. Les compositions doivent être bien sûr autant que faire se peut, exemptes d’allergènes potentiels ou avérés d’origine multiples. On peut citer à titre d’exemple les protéines d’origine alimentaire ( sésame, blé, amande), les conserveurs listés par le règlement européen ( benzyl alcohol) .
L’usage de parfum dans ce type de produits, bien qu’ils offrent un plaisir d’utilisation aux consommateurs en général, la sagesse impose d’ éviter pour les atopiques, à moins que le concentré de parfum ait été développé sans allergènes à déclaration obligatoire et que sa composition soit adaptée pour le coeur de cible.
Une nouveauté côté parfum
Dr CQ: Vous avez d’ailleurs un scoop à nous annoncer concernant les parfums à étiquetage obligatoire ?
C.R. J’en profite en effet pour vous informer que la législation européenne va évoluer concernant la mise à jour de l’étiquetage des allergènes déclarables sur un produit cosmétique. Le nombre d’allergènes déclarables devrait passer de 26 à plus d’une soixantaine ! Les différents allergènes seront regroupés sous un même nom de famille de molécules. Ceci en vue d’une information plus claire et précise auprès du grand public sensibilisé et c’est une bonne chose. L’industrie cosmétique attend la publication des textes de loi et de leur date de mise en application.
Les huiles de massage pour bébé
Dr CQ: Les mamans désirent au plus profond d’elle même le meilleur pour leur bambin. Cependant dans la composition de certaines huiles de massages pour les bébés et jeunes enfants, on remarque la présence dans certaines de parfums à étiquetage obligatoire .
C.R. : « Il est louable que toutes les mamans veuillent les meilleurs produits pour leurs enfants et s’orientent plus fréquemment vers l’achat de produits bio qui semblent plus sécurisants. Toutefois, bon nombre de liste d’ingrédients laissent perplexes les experts que nous sommes. Il faut garder en tête que bio ne veut pas dire plus sécurisant… Que ce soit les produits cosmétiques conventionnels ou labellisés bio, on constate très souvent dans la liste ingrédients de nombreux allergènes. Ceux- ci hautement allergisants issus de parfums (géraniol , linalol, citronellol…) ou de conservateurs et des additifs qui n’ont pas lieu d’être.
Pour le consommateur, je comprends bien qu’il ne soit pas forcément simple de faire la part des choses sur un simple étiquetage de produits cosmétiques. Hélas le marketing prend trop souvent le pas sur la science.
Des huiles qui n’en sont pas
Notre experte Corinne Rodriguez ajoute: « D’ailleurs j’attire votre attention sur un abus de langage que je regrette. Il concerne le terme HUILE utilisé et son encadrement. En effet, cette catégorie de produits contient pour certains de véritables formulations d’huiles. Toutefois on peut aussi trouver sur le marché des formulations d’un autre genre beaucoup plus discutables qui contiennent plus d’eau texturée avec des polyols ou glycols que d’huiles vraies ! Certaines marques n’ont peur de rien ! La cause de leur démarche ? Des raisons d’ordre économique pour réduire le prix de revient de la formule, permettant d’offrir des contenances plus grandes ! »
Polyol : glycérine
Glycol: butylene glycol par exemple
Eau texturée : eau à laquelle on a ajouté des additifs pour lui conférer une texture un peu « émolliente »
Les conservateurs dans les biocosmétiques
Dr CQ: Les produits bio ont le vent en poupe. Cependant ils ne sont pas exempts des risques allergiques. Pouvez-vous nous rappeler les conservateurs autorisés dans ce domaine?
Le choix de produits cosmétiques bio sur le marché n’est plus une tendance minoritaire. Ils représente désormais une véritable catégorie de produits installée dans tous les secteurs de distribution. Le référentiel européen COSMOS permet de certifier 2 catégories de produits : les produits labelisés COSMOS NATURAL et les produits labelisés COSMOS ORGANIC.
Le problème majeur des cosmétiques bio est leur composition et leur conservation au cours du temps. En effet, la liste des conservateurs autorisés par le référentiel est beaucoup plus restrictive que celle pour les produits qualifiés de conventionnels. Parmi les conservateurs autorisés par le référentiel COSMOS on trouve l‘alcool benzylique, l’acide déhydroacétique, le benzoate de sodium, le potassium sorbate, l’acide salicylique…..
Selon les routines beauté, le nombre de produits cosmétiques utilisés varie mais on assiste à une augmentation de la sensibilisation cutanée à ces conservateurs.
références https://www.labosphere.com
Crédit photo : photos fournies par madame Corinne Rodriguez