Partager la publication "Comprendre l’allergie aux animaux avec atchoum, le podcast des allergies"
Aujourd’hui, nous allons parler de l’allergie aux animaux.
« Il va vous falloir vous débarrasser du chat « je crois que c’est la phrase redoutée de toute personne qui partage sa maison avec un chat et qui vient voir un médecin allergologue.
Aucune illusion, quand cette phrase sera prononcée, le patient se débarrassera de l’allergologue.
C’est très sérieux. Fabienne Rancé l’avait démontré en 2006, 55% des parents refusent de reconnaître le rôle du chat dans l’aggravation des symptômes de leur enfant. Et dans 80% des cas, les parents refusent de se séparer du chat.
Il faut dire que les animaux ne sont pas des objets et les liens que nous avons avec eux sont bien plus forts que ceux qui nous lient à cet intervenant ponctuel de notre santé. S’il ne le comprend pas, vous pouvez penser n’avoir rien à faire dans ce cabinet.
C’est bien évidemment ce que pensent tous les humains qui ont adopté ou ont été adoptés par un animal de compagnie. Il y a 14 millions de chats domestiques dans les maisons des Français et autant de chiens. 30% des foyers d’Europe du Nord ont un ou plusieurs animaux domestiques et un asthmatique sur deux est réactif aux allergènes des chats.
Il y a un paradoxe animal-familier.
Avoir un animal dans la maison où l’on est diminue le risque d’y devenir allergique et diminue également le risque de l’enfant de devenir pollinique. C’est Platt Mills, un Américain qui s’est le plus intéressé au sujet il y a une quinzaine d’années. Il a évoqué l’hypothèse hygiéniste avec le rôle tolérogène des endotoxines bactériennes.
Vous vous souvenez, nous en avions parlé dans le premier épisode. Notre environnement… module les maladies dont nous souffrirons.
Nous ne fréquentons évidemment pas que des animaux de compagnie, il y a aussi des animaux de loisirs à la fréquentation plus ou moins régulière comme les chevaux, les animaux des cirques et enfin les animaux de rente que nous élevons pour leur travail, leur lait, leur viande ou tout autre bénéfice.
Les molécules responsables d’allergies croisent facilement entre elles d’une espèce à l’autre.
En 1996, Mme Guinnepain montrait que parmi les petits parisiens testés, 10% étaient positifs pour la vache, le lapin, le hamster ou le cheval, sans en avoir jamais eu ni vu.
Les souris sont également nos familiers, même si nous ne les voulons pas.
En 2005, à Boston, une étude montrait la présence d’allergènes de souris dans 42% des habitats, tous milieux confondus.
En 2008, Ponga Creek de Chicago montrait que dans les quartiers défavorisés, 80% des habitats contenaient des allergènes de souris et 22% des enfants y étaient sensibilisés.
La dératisation de ces quartiers a entraîné la chute de la teneur en allergènes de souris et surtout la division par deux du nombre de crises d’asthme nocturne.
Un mot des oiseaux.
L’allergie aux plumes n’existe pas, enfin si, mais elle est très rare et la plupart du temps les réactions avec les plumes concernent des allergènes d’acariens ou de moisissures qui les contaminent.
Pour les oiseaux, les allergènes sont essentiellement présents dans les poussières de la volière, d’éjections, sécrétions glandulaires, etc.
De toute façon, nous l’avons vu dans l’épisode précédent, le problème, ce n’est pas l’animal, non, le problème, c’est votre réaction immunitaire mise en place contre eux, ou plutôt contre leurs allergènes.
Les allergènes animaux sont différentes molécules présentes dans leur sécrétion, salive, sébum, squames, urine. Il y en a aussi dans les viandes, leurs œufs, mais nous en parlerons plus tôt dans la suite quand nous aborderons les allergies alimentaires.
Voyons rapidement deux poncifs.
Le premier, « je ne peux pas être allergique à mon chat car je l’ai depuis des années ».
Eh bien si, justement, souvenez-vous.
L’allergie, c’est une rencontre qui se passe mal. Vous viviez en bonne intelligence l’un avec l’autre, mais un jour, vous avez eu une agression chimique, virale ou autre qui a amené votre système de défense à regarder autour de lui et a adopté lui aussi votre chat d’une certaine manière.
C’est la sensibilisation.
Pour l’allergie, il va manquer quelques semaines.
Le corps synthétise ses anticorps, les distribue sur les cellules qui ont des récepteurs pour ses anticorps, puis vient l’attente avec la quantité suffisante d’allergènes pour que votre corps décide de basculer dans l’allergie.
Par exemple, vous êtes parti étudier à la fac, et le week-end, quand vous revenez, votre ami de toujours vous est devenu immunitairement insupportable.
Vous viviez en bonne intelligence, dans une vraie tolérance, vous, lui et vos anticorps, et puis ça a mal tourné : c’est la rupture de tolérance.
La dose d’allergène de chat avec laquelle vous aviez coutume de cohabiter s’est effondrée à votre départ.
Votre tolérance s’est amoindrie et désormais, le différentiel d’allergènes entre votre quotidien sans chat et votre week-end avec chat déclenche des crises d’allergies.
Souvenez-vous, chaque crise amplifie votre allergie grâce à votre système immunitaire jeune, efficace, têtu et plein d’énergie.
Un deuxième poncif ? « Docteur, je sais que je suis allergique aux chiens, mais pas aux miens ! «
Malheureusement, vous y êtes très probablement allergique aussi.
Mais si vous n’avez pas de symptômes à domicile, c’est soit que vous niez des évidences, parce que vous ne voulez pas y être allergique, soit que votre mode de cohabitation avec lui, ses caractéristiques propres aussi, vous permettent une tolérance suffisante au quotidien.
Et oui, chaque animal sécrète des quantités différentes des différentes molécules allergisantes. Certains lèchent… peu, d’autres ont les allergènes de leur squam tenus loin de votre nez, etc.
Il y a de nombreux facteurs individuels qui font que votre animal est peut-être mieux toléré, mais ne vous illusionnez pas.
A l’occasion d’une augmentation de perméabilité de votre peau ou de votre muqueuse par des irritants ou des virus, vous pourrez très vite basculer vers l’allergie contre lui également.
Les allergènes des animaux sont contenus dans leur sécrétion.
Les sources les plus fréquentes sont la salive, le sébum, les urines.
Les urines, c’est plutôt l’apanage des rongeurs : lapins, rats, souris, furets. Ce sont des allergènes très volatiles et les réactions sont fréquemment respiratoires dès l’entrée dans la pièce où ils habitent.
Le sébum est une substance sécrétée par la peau qui vient créer une couche isolante sur la peau de l’animal et sur son poil pour en assurer l’étanchéité. Accessoirement c’est ce qui rend le poil de votre boxer si brillant de votre cheval également
La salive est fréquemment responsable de réactions cutanées et ce sont souvent les chiens qui lèchent ou qui bavent qui en sont les principaux pourvoyeurs le chat quand il se lèche ajoute à son poil des allergènes supplémentaires à ceux du sébum
Les animaux peuvent également être source d’apports d’allergènes autres. Les oiseaux, par exemple, avec leur plume et leurs fientes, créent des milieux favorables au développement de moisissures et d’acariens.
Quelles sont les molécules allergisantes ?
Oui, parce que vous n’êtes pas allergique au chat, non. Vous êtes sensibilisé à certaines molécules présentes dans les sécrétions du chat : salive, sébum…
Pour le chat, la plus célèbre, la principale en fréquence, c’est Fel d 1.
Une molécule d’une trentaine de kilos dalton, un hétérodimère dont on ne connaît pas bien la fonction.
Elle a été rangée dans les utéroglobulines à cause de sa forme globale en 3D, mais sans qu’on soit vraiment satisfait de ce rangement, parce que, toujours en forme 3D, elle ressemble aussi pas mal à une protéine des cellules de Clara de l’épithélium bronchique humain.
Bref, c’est elle la principale responsable de l’allergie au chat. 80% des allergiques au chat la reconnaissent. Mais on ne sait pas encore tout d’elle. On sait qu’elle est surtout produite par les glandes sébacées, surtout de la poitrine, avec un rythme quotidien qui rend improbable son élimination par un lavage autre que journalier. Il y en a également dans les glandes anales et dans les larmes des chats. Influencées par les hormones, les chats mâles en sont de meilleurs producteurs.
Si elle est la principale molécule responsable de l’allergie aux chats, elle est accompagnée par d’autres :
Fel d 2, une albumine présente dans la salive et dans la fourrure, dont la ressemblance avec les albumines de porc peuvent donner une allergie croisée avec la viande de porc.
Fel d 4, une lipocaline sécrétée par les glandes sous-maxillaires, qui selon les auteurs, est positive dans 30 à 60% des cas d’allergie cocha. Cette molécule pourrait être responsable des réactivités croisées inter-espèces, chiens, léopards, lions, etc.
Les allergènes du chien sont également assez variés.
Can f 1 en est la principale molécule. C’est une lipocaline produite par les glandes de Von Heppner situées sur la langue du chien. Elle sensibilise 70% des allergiques au chien. Sa concentration est variable selon les espèces, 16 fois moins chez les labradors que chez les Yorkshire, davantage sécrétée par les mâles, indifférente à la longueur des poils. Pour un allergique, moins le chien lèche ou bave, moins il sera embêté.
Can f 2 est une autre lipocaline qui est présente dans la salive et dans les squames.
Can f 5, une Kalicréine qui est célèbre chez les allergologues car cette molécule donne parfois des réactions croisées avec la sérum albumine prostatique, les PSA, qui donne des allergies croisées possibles avec le sperme du partenaire.
Comment soigner son allergie au chat, chien ou autre animal ?
Le traitement le plus évident de l’allergie, c’est l’éviction bien sûr.
Nous l’avons vu en introduction, les propriétaires d’animaux familiers feront rarement l’éviction, sauf peut-être celle de l’allergologue. Il faut trouver un terrain d’entente, la médecine est une coopération médecin-patient.
D’abord, il faut rétablir une cohabitation sans symptômes.
Puisque l’éviction est impossible, essayons la prise de distance…. déléguer l’entretien de l’animal à un non-allergique, préserver les chambres, aérer, ventiler, nettoyer.
Toutes ces mesures permettent de lipiter l’étape suivante, obtenir la dose minimale de médicaments qui permet la cohabitation sans symptômes.
C’est à partir de là que l’on peut espérer qu’une tolérance s’installe. Enfin, si ces médicaments ne peuvent être arrêtés sans reprise de symptômes d’allergie, il va falloir envisager une immunothérapie allergénique « Désensibilisation ».
Aujourd’hui, en France, elles n’existent que pour le chat et le chien.
En résumé,
les animaux familiers habitaient hors des maisons il y a quelques générations.
Nous les avons fait entrer dans notre intimité au moment même où les allergies étaient en augmentation. Erreur tragique, nous devenons facilement allergiques à eux.
L’allergie aux allergologues existe chez les propriétaires d’animaux familiers dès que ceux-ci demandent l’éviction.
Si vous ne pouvez pas vous séparer de votre compagnon à quatre pattes, il va vous falloir faire des efforts pour rétablir une tolérance avec lui. Et ça passe forcément par une distance plus grande au quotidien. Plus la distance sera grande, moins vous aurez à prendre de médicaments pour rétablir la tolérance.
La désensibilisation sublinguale existe, mais uniquement pour le chat et le chien. C’est bien dommage. Elle vous permet d’améliorer votre tolérance pour votre ami poilu. et vous évitera de devoir continuer à consommer tant de médicaments pour maintenir ce fragile équilibre
Dans le prochain épisode, nous parlerons de l’allergie au lait.
Merci à vous les amis, prenez soin de vous.