Actuellement nous pouvons voir sur TF1, la deuxième saison de la série TV  » Master Crimes » . On y assiste à la résolution de meurtres par une équipe de jeunes étudiants sous la houlette de la célèbre Louise Arbus ( Muriel Robin) professeure de psycho criminologie en équipe avec la Capitaine Barbara Delandre ( Anne le Nen) . Si les autres épisodes ne m’ont pas laissée indifférente, l’un d’entre eux – No Body’s perfect – a plus attiré mon attention lors de sa diffusion, en raison d’une intrigue relatant une anaphylaxie. Son scénariste Fabien Adda a accepté de répondre à mes questions.

D’où vient l’idée du scénario ?

CQ: Le plus souvent dans les intrigues policières , les anaphylaxies sont plutôt d’origine alimentaire. Vous avez choisi une autre cause. D’où vous vient cette idée ? Est-ce en rapport avec l’accident du ministre Jean-Pierre Chevènement en 1998?

Fabien Adda : Je n’avais aucun souvenir de l’accident de Chevènement, vous me le rappelez ! Au départ, l’idée était assez différente de celle retenue dans la version finale de l’épisode. J’avais quatre suspectes avec chacune une particularité qui la rendait, précisément, suspecte. Toutes avaient pour point commun d’avoir subi des violences de la part des hommes. Et donc toutes avaient cherché des moyens de se protéger des hommes. L’une de ces suspectes avait été victime de violences médicales. Mal soignée, pas écoutée, accusée d’exagérer, elle avait énormément souffert. Elle avait des origines sud-américaines et sur les conseils de sa grand-mère, s’était rabattue sur la médecine dite alternative. J’avais alors cherché, dans la culture sud-américaine, des produits naturels dont aurait pu disposer cette suspecte.

CQ : Incroyable cheminement !

Fabien Adda : Et c’est ainsi que je suis tombé sur le curare, dont se servaient les indiens d’Amazonie pour empoisonner les pointes de leurs flèches. En me renseignant sur ce produit – à propos duquel je ne connaissais rien – je découvre qu’il est utilisé en occident comme relaxant musculaire, notamment en vue d’une intervention chirurgicale. Et en fouillant encore plus, je tombe sur l’information selon laquelle le curare peut provoquer des allergies et de graves réactions anaphylactiques. Exactement ce qu’il me fallait pour expliquer la mort d’un homme qui pose comme modèle dans un cours de peinture ! 
Finalement, dans l’épisode, toute cette backstory autour des origines sud-américaines de la suspecte et son désir d’auto-médication a disparu. Ne reste que son utilisation du curare à des fins relaxantes, curare qui lui a été « emprunté » par la véritable « tueuse » pour atteindre son objectif : permettre au modèle de tenir une pose pendant des heures sans souffrir musculairement. Sauf que l’homme a fait une réaction allergique et en est mort. 

La place de l’allergie dans sa vie

CQ: On estime que 1/3 de la population est allergique. Etes vous directement concerné par le sujet ou une personne de votre entourage?

Fabien Adda: J’y suis très sensible en effet ayant moi-même un terrain allergique depuis l’enfance. J’ai grandi en enchaînant des crises d’asthme et de violentes réactions au pollen de graminées. Gamin, je subissais des injections tous les mercredis en vue d’une désensibilisation. Ado j’ai commencé à avoir des réactions physiques : irritation de la peau, rougeurs, démangeaisons, gonflements… bref, j’en ai bavé. Aujourd’hui encore, je suis sous anti-histaminiques mais je n’en prends plus qu’un par semaine dès que les crises d’éternuements deviennent trop envahissantes. Donc oui, l’allergie fait partie de ma vie, c’est un sujet qui forcément m’inspire presque malgré moi.

CQ : Et dans votre entourage ?
Fabien Adda: ce n’est pas mon cas qui me donne des idées. J’ai un ami qui est très allergique à l’arachide et je l’ai vu un jour enfler sous mes yeux simplement parce qu’il avait touché une cuillère qui avait été en contact avec une huile d’arachide ! Ca m’a énormément marqué parce que j’ai compris ce jour là que sa vie était en danger face à des menaces quasiment impossibles à toutes éviter. C’est ce principe que j’ai repris dans l’épisode : en théorie, tout aurait dû bien se passer avec le curare. Sauf que le modèle y était allergique. Et en est mort. C’est comme pour les piqûres de frelons, ou de guêpes. Certaines personnes s’en sortent indemnes, d’autres en meurent car y sont allergiques et parfois, ne le savaient même pas. Il y a quelque chose comme un loto fatal dans les allergies qui se prête bien au genre du polar, selon moi. 

Des recherches

CQ: Quelles sont vos recherches sur les circonstances de déclenchement par myorelaxant ?

Fabien Adda : Uniquement sur Internet, en essayant de croiser un maximum de sources afin d’essayer de raconter un minimum de bêtises. J’ai même réussi à trouver en libre d’accès, un rapport d’autopsie d’un homme mort d’une réaction allergique au curare. Ainsi les répliques du personnage du légiste dans mon épisode sont nourries par ce rapport toxicologique bien réel. 

Et pour la suite ?

CQ: Avez-vous déjà utilisé l’allergie dans d’autres séries et pourquoi ?

Fabien Adda : Alors oui, je travaille sur une autre série policière actuellement en développement et cette fois, c’est sur une allergie à une plante utilisée en médecine douce que je m’appuie pour construire le récit d’un crime. Je ne peux pas vous en dire plus pour pas spolier cette intrigue lorsqu’elle passera à la télé, mais c’est un sujet qui me fascine beaucoup et que je n’ai pas fini d’explorer. D’autant qu’une réaction allergique peut être causée par une convergence de différents éléments, ce qui complique le travail d’un légiste. Ça complique le boulot des flics de mes séries, donc ça facilite le travail de scénariste. 

Un grand merci à Fabien Adda pour cet entretien. Nous attendons la suite avec impatience !

Credit photos : Photos fournies par Fabien Adda.