Un bébé qui pleure, une forte diarrhée, une poussée d’eczéma après son biberon de lait infantile. Cela inquiète et déroute la maman. Les responsables, ce sont ces fameuses protéines de lait de vache qu’ils contiennent. La mère est étiquetée à tort anxieuse alors que le bébé souffre vraiment. Il y a même parfois une perte de poids. Les réactions que ces laits occasionnent sont multiples. On risque de s’y perdre, une raison à cela, deux mécanismes allergiques différents sont en cause. Et comme si cela ne suffit pas ils peuvent être intriqués.
Sources: Revue Française Allergologie. les allergies alimentaires de l’enfant et de l’adulte, éditions Masson.
Nom de code : APLV
Le lait est la base de l’alimentation du nourrisson. Chaque mère fait le choix d’allaiter ou de nourrir bébé avec un lait maternisé. Celui-ci répond aux besoins nutritionnels des nourrissons. Sa composition vise à se rapprocher au maximum du lait maternel. Un détail cependant a son importance. Ils sont pour la plupart fabriqués à partir du lait de vache. C’est loin d’être sans conséquence pour de nombreux tout petits. En effet les protéines allergisantes qu’ils renferment (alpha lactalbumine, ß lactoglobuline, caséine) sont responsables de L’APLV ( l’allergie aux protéines de lait de vache). Elle représente environ 12,6 % des allergies alimentaires chez l’enfant. Il n’est donc nul besoin de boire du lait sortant du pis du mammifère pour être bien embêté.
La métamorphose de Titouan
Qu’il est mignon ce petit ange. Né à terme, il franchit le seuil de la maison familial dans son joli couffin. C’est le premier enfant de ces deux jeunes parents allergiques. Papa réagit aux acariens. Maman a le « rhume des foins » chaque année. Le petiot fait donc partie d’une famille atopique. Ils ont bien écouté les recommandations des sage femmes. Ils connaissent par coeur les quantités de lait maternisé à donner à chaque tétée. La mère que nous appelerons Julie, ne souhaite pas allaiter. Les premiers jours se passent sans encombres. Le ciel s’obscurcit lorsque Titouan commence à vomir plusieurs heures après chaque biberon. Son ventre gargouille et gonfle. Les nuits sont infernales. Il ne dort pas. Pour ne pas arranger les choses, des plaques d’eczéma apparaissent et persistent malgré l’application des crèmes adéquates. Il est amené en consultation et le verdict tombe. C’est une APLV retardée.
Une allergie qui joue la montre
Elle est retardée cette réaction allergique. Cela ne veut pas pourtant signifier qu’elle n’est pas à l’heure. En réalité, le délai d’apparition des symptômes s’étend de plusieurs heures jusqu’à 48 heures après la prise de lait infantile. Ce mécanisme fait opposition à l’allergie immédiate. Celle ci se déclenche par contre tout de suite après la tétée. Les enjeux chez l’enfant ne sont pas les mêmes. Alors quand les deux s’en mêlent c’est encore plus compliqué.
La répétition
Le déclenchement de douleurs abdominales, de diarrhées, de vomissements suite à la prise des biberons de lait maternisé, sont autant de signes aigus d’APLV . La récidive de ces symptômes à chaque tétée doit faire suspecter une allergie alimentaire. Si le diagnostic n’est pas posé rapidement , Une nette perte de poids chez l’enfant est à craindre en raison de diarrhées trop rapprochées. D’autres signes digestifs doivent également alerter le médecin comme un reflux gastro oesophagien (l’enfant hurle à chaque biberon et régurgite) ou même une constipation rebelle.
Une question de peau
L’APLV retardée se développe plus volontiers chez des enfants issus de parents atopiques. La peau si douce, devient plus rugueuse. Des plaques sèches apparaissent et vont se nicher aux plis de coudes, des genoux, dans le dos, sur le visage. Il a même parfois cette petite fissure qui apparait et saigne sous les lobes d’oreilles. Il s’agit d’un eczéma qui peut évoluer sur un mode aigu ou devenir chronique avec des lésions suintantes et crouteuses. Pas question d’attendre, c’est peut-être le lait qui est en cause. Heureusement que l’on peut faire les tests allergologiques très tôt chez l’enfant. Tôt ça ne veut pas dire 3 ans … non dès les premières semaines de vie c’est possible
Le bébé sifflera trois fois
Alerte, alerte, la jeune Mathilde, 3 mois, buvait jusqu’alors son lait maternisé sans problème. Les parents sont inquiets. elle commence à se couvrir de boutons d’urticaire quand elle ingurgite goulûment son bib. Dernièrement, cela s’est soldé par une hospitalisation. Elle s’est mise à tousser. Ces poumons sifflaient comme une crise d’asthme. Dans le service hospitalier tout va très vite. le médecin de garde comprend que c’est une APLV immédiate. Le risque vital reste le choc anaphylactique. Rassurez-vous, tout est rentré dans l’ordre. Mathilde a désormais un lait adapté sans protéines de lait. Ce tableau illustre une des formes les plus sévères. Heureusement, les manifestations sont souvent plus modérées mais il faut être extrêmement vigilant.
Quand les anticorps s’en mêlent
On qualifie l’allergie immédiate de réaction « IgE médiée ». C’est à dire qu’il y a fabrication d’anticorps immunoglobulines E « IgE » spécifiques de chaque protéines allergisantes de lait. Cela est le mécanisme déclenché dit d’hypersensibilité de type I . Elle déclenche les réactions alimentaires comme l ‘urticaire, l’oedème, ou le choc anaphylactique. La crise d’asthme liée à une allergie alimentaire est une urgence qui nécessite l’injection d’adrénaline. Nous ne le rappelons jamais assez.
L’allergologue mène l’enquête
Bébé arrive accompagné de ses parents. L’inquiétude se lit souvent dans leurs yeux. De nombreux laits maternisés classiques ont déjà parfois été testés, sans succès. Le petitou est toujours malade. L’allergologue effectue les investigations allergologiques.
Les pricks tests peuvent être réalisés
très tôt chez le nourrisson
On n’oublie surtout pas le dosage de ces fameux IgE spécifiques dirigés contre les allergènes; ß lactoglobuline, alpha lactalbumine , les caséïnes et la sérumalbumine.
Pour certains dont le cas est plus préoccupant, un test de provocation orale dans un service spécialisé donne parfois lieu à la mise en place d’une tolérance alimentaire au lait.
L’ exploration de l’allergie retardée s’effectue sous la forme d’un patch test lisible après 48 heures et préparé par l’allergologue. Le test le plus fiable reste l’éviction du lait responsable avec disparition des troubles engendrés.
Le lait adéquat, tu donneras
Ensuite on débute sans tarder un lait hydrolysat de substitution ou riche en acides aminés ( AA) . Rappelons que la diversification alimentaire chez le bébé atopique s’initie dès le quatrième mois de vie. Là aussi, les protéines de lait sont à bannir jusqu’à ce que l’allergologue les autorise à nouveau. Quand on parle de lait à bannir c’est à dire tous les laits d’animaux : chèvre, jument, brebis, ânesse, bufflonne.
Normalement l’APLV disparait avec l’âge. Donc soyez patiente et suivez bien les conseils de l’allergologue
Photographie : iStock
Pour celles et ceux qui se disent que l’on a oublié l’intolérance au lactose. Que nenni, l’intolérance et l’allergie ce n’est pas la même du tout mais alors pas du tout la même chose. Ce sujet est développé dans le livre « 1001 allergies et intolérances »