Dans leur véhicule rouge désormais appelé VSSUAP, les sapeurs pompiers secouristes sont en première ligne pour intervenir sur un grand nombre d’urgences vitales. La nouvelle loi Matras redéfinie leurs actions. Il s’agit de l’évolution des techniques et gestes d’urgence. Elle concerne l’élargissement d’actes diagnostiques et thérapeutiques sur différentes pathologies dont l’anaphylaxie et la crise d’asthme aigüe. Nous allons découvrir , avec le commandant Michel Taillade, infirmier en chef des sapeurs pompiers du Lot et conseiller technique SSAUAP, l’expérience développée dans ce département.
V.S.S.U.A.P. : véhicule de secours et soins d’urgence aux personnes
La loi Matras
La nouvelle loi Matras n° 2021-1520 promulguée le 25 novembre 2021 vise notamment à consolider le modèle sécurité civile. Le décret 2022-621 relatifs aux soins d’urgence est adopté le 22 avril 2022. Celle -ci permet d’étendre les compétences diagnostiques et thérapeutiques du personnel sapeur-pompier préalablement formé.
Les actes diagnostiques
Certains gestes diagnostiques sont désormais accessibles dans le cadre de l’intervention des pompiers secouristes. Ils permettent un gain de temps non négligeable dans les gestes et soins d’urgence en coordination avec la régulation médicale.
- Mesures de la glycémie capillaire ,
- Évaluation du taux d’hémoglobine ,
- Quantification de la saturation en Oxygène et monoxyde de carbone ,
- Prise de la tension et possible ECG ( tracé transmis à l’équipe médicale)
Les gestes thérapeutiques
Les pompiers sont habilités à administrer sur prescription médicale des médicaments d’urgence après une formation appropriée et validation par un médecin régulateur ou présent sur les lieux .
- Préparation d’aérosol médicamenteux ( pour crise d’asthme aiguë),
- administration d’adrénaline en intra-musculaire ( anaphylaxie),
- d’antidote morphiniques (en cas d’intoxication),
- de glucagon (si détection préalable d’hypoglycémie),
- d’antalgique par voie orale ou inhalée.
Initiatives dans le Lot
Cette nouvelle loi retient notre attention à double titre dans le domaine de l’allergologie. En effet, désormais la prise en charge par les sapeurs pompiers , de l’anaphylaxie et de la crise d’asthme aiguë, se trouve renforcée.
Nous allons développer les dispositions mises en place sur le terrain, dans le Lot, à partir de 2023 avec le commandant Michel Taillade, cadre de santé et infirmier du SDIS ( Service Départemental d’Incendie et de Secours).
Quelques chiffres SDIS du Lot
- 42 VSSUAP ( véhicules de secours et assistance aux victimes)
- 1000 sapeurs pompiers dont 80 personnels de santé (20 médecins et 60 infirmiers)
- 10 000 interventions de secours et soins d’urgences chaque année
- Environ 100 actes pour crise d’asthme sévère et environ entre 30 et 50 pour anaphylaxie
La mise en place du projet au niveau local
Comme nous le signale d’emblée notre interlocuteur M. Taillade « Nous sommes souvent les premiers sur place parce que la territorialité fait qu’il ne peut en être autrement. Notre département rural présente une configuration de population clairsemée ( 180 000 habitants sur plus de 5000 kilomètres) et quatre centres hospitaliers« .
La diffusion récente de nouveaux arrêtés change la donne. Elle date du dernier congrès national des sapeurs pompiers fin septembre 2022. Le commandant Taillade explique « la loi nous dit: voilà ce que l’on peut faire. Ensuite, il nous fallait les référentiels d’activités et de compétences pour dispenser la formations adaptée d’où l’interêt de ces arrêtés. Chaque département a la possibilité de s’y engager pour tout ou partie des gestes appropriés « . Il ajoute « Pour nous, l’idée est de développer trois trousses d’urgences pour les trois actes de soins vitaux. La première se destine au traitement du choc anaphylactique . La seconde concerne la prise en charge de la crise d’asthme aiguë. La dernière pour le coma hypoglycémique est envisagée mais pour l’instant le glucagon en auto-injecteur n’est pas disponible en France. Dans ces pochettes préalablement scellées se trouvent les médicaments adéquats pour chaque situation accompagnée d’une notice mémo ».
Une situation de détresse, une trousse , un acte
« Chaque acte de soin d’urgence est validé au préalable par le médecin régulateur au regard des signes cliniques transmis par le chef d’agrés. Lorsque celui-ci n’est pas joignable dans l’immédiat et que l’état du patient le requiert , les gestes d’urgence seront effectués » .
« Le chef d’agrés est le responsable de l’intervention sur les lieux de la détresse »
Le choc anaphylactique
Le commandant nous informe « Dans notre cas, nous sommes depuis longtemps sensibilisés à la problématique de l’anaphylaxie. En effet, suite à l’accident anaphylactique dramatique d’un de nos sapeurs pompiers dans les années 90, nous avons déjà instauré un protocole destiné aux sapeurs-pompiers eux-même. Le département du Lot est une exception française dans ce domaine. Depuis prés de 28 ans, nos sapeurs pompiers (SP) se forment à la manipulation et l’injection d’adrénaline dans le cadre de leur sécurité lors d’intervention pour destruction d’hyménoptères. Parallèllement, ils doivent savoir reconnaitre les signes évocateurs.
« Auparavant , le pompier pouvait aider à administrer son propre stylo auto-injecteur . Ce qui est très nouveau, c’est que désormais l’adrénaline est aussi dans le camion. Ainsi, ils connaissent le matériel et l’ont à disposition pour l’injecter ». « Il faut savoir que le SAMU décide l’engagement d’un SMUR au regard des éléments recueillis lors de la réception de l’alerte ou du message du chef d’agrès.
Michel Taillade poursuit.« Le protocole à suivre répond aux recommandations avec une injection intra-musculaire (IM) d’adrénaline par stylo auto-injecteur. Nous avons l’habitude de ce type de geste avec l’Anapen. Mais nous n’oublions pas que les autres formes ‘ Jext, Epipen et Emerade sont aussi disponibles et nous nous adapterons si besoin » . Sans amélioration , 10 minutes plus tard, une deuxième injection est réalisée. La réponse médicale de proximité par l’infirmier SP permet de réaliser une autre injection d’adrénaline en IM et de perfuser. Une solution titrée d’adrénaline intraveineuse pourra être adminsitrée , après validation par le médecin régulateur « . » Cet acteur de santé est présent d’emblée dans VSSUAP ou arrive rapidement sur les lieux en véhicule léger« .La surveillance par monitoring avec tracé cardiaque est concomitante.
La crise d’asthme
En ce qui concerne la prise en charge de la crise d’asthme, le commandant commente: » La trousse bleue comporte le matériel nécessaire pour un aérosol ( masque, solution pour inhalation par nébulisateur de terbutaline et bromure d’Ipratropium). Ce geste est couplé à une oxygénothérapie. »
En conclusion
Pour finir Michel Taillade résume : »
« On meurt, de nos jours encore, d’une réaction allergique grave ou d’une crise d’asthme lorsqu’ils ne sont pas pris en charge au plus vite…Dans ce domaine les sapeurs-pompiers le savent bien ! Dans la première minute d’un incendie un verre d’eau suffit. Dans la deuxième minute il faut un seau d’eau. A la troisième minute ce sont 1000 litres d’eau qui sont nécessaires. Au-delà, l’incendie prend une ampleur terrible et l’on a pour habitude de dire « qu’on fait ce que l’on peut… ».
Dès le début de l’année 2023 tous les sapeurs-pompiers du département du Lot seront formés à ces deux gestes qui viendront compléter leur action de secours apportant ainsi une nouvelle compétence de « premier répondant ».
Un maillon de plus pour renforcer le secours et les soins d’urgence pour tous nos concitoyens.
Sapeurs-pompiers et équipes médicales mènent le même combat.
Soldats du feu, soldats de la vie.
Références
1-https://www.pompiers.fr/declinaison-reglementaire-de-la-loi-matras
2-https://congres2022.pompiers.fr
3-https://www.sfmu.org/upload/consensus/rfe_anaphylaxie_sfmu2016.pdf
4-https://www.pompiersdulot.fr