Partager la publication "Comment la cuisson influence-t-elle le risque d’allergie alimentaire ?"
Une fois n’est pas coutume, abordons le sujet de la cuisson des aliments et son effet sur leurs allergènes. Il y a beaucoup à dire. Les aliments sont des réservoirs à protéines allergisantes. Celles-ci sont soit détruites par le chauffage ou thermorésistantes (actives même après la cuisson). Faisons le point sur les différents événements qui peuvent accentuer ou diminuer le potentiel allergisant.
L’action de la température de cuisson sur les allergènes
Par allergie unitaire ou par allergies croisée, certains aliments peuvent être mangés cuits mais pas crus. L’influence du degré de cuisson et de la durée de chauffage prend alors tout son sens.
Prenons pour exemple l’allergie à l’oeuf qui est à l’origine d’une grand nombre d’allergies alimentaires chez l’enfant. Dans le blanc d’œuf , il y a quatre allergènes dont seul ovomucoide est thermorésistant. Les autres (ovalbumine, ovotransferrine, lysozyme)sont détruits par la cuisson. Désormais on tend vers une personnalisation de la prise en charge de l’allergie alimentaire . Pour cela, après le passage par la case allergologue , il est possible de cibler deux populations. En effet certaines personnes réactives aux allergènes détruits par la cuisson mangent sans problème l’oeuf cuit dans des gâteaux. Cependant, ils ne peuvent pas le consommer cru ou peu cuit ( oeuf battu en neige, mousse au chocolat, omelette trés baveuse). D’autres ne peuvent consommer d’oeuf cuit ou cru en raison de leur réaction à l’allergène thermorésistant : ovomucoïde
Les allergies croisées comme celui du syndrome « pomme-bouleau » est également concerné. Lors de l’ingestion de pomme crue, apparaissant des démangeaisons au niveau du pharynx et/ou une oedème des lèvres. Ces manifestations cliniques disparaissent après la cuisson du fruit dans les compotes , les tartes, les confitures. Les personnes qui en sont atteintes réagissent à un allergène de la famille des PR 10 thermosensible présent dans le pollen de bouleau et dans la pulpe de la pomme.
N’oublions pas également les risques de réactions sévères liées à la présence d’allergènes thermorésistants dans les vapeurs de cuisson des crustacés ou des poissons.
L’effet « matrice » en cas d’allergie alimentaire
Un autre élément loin d’être négligeable doit être pris en ligne de compte. Il s’agit de l’effet « matrice ». L’interaction avec d’autres composantes d’une recette ( les graisses, les sucres, les farine ou d’autres protéines) diminue le potentiel allergénique de l’œuf et du lait. Comment cela peut-il arriver ? C’est très simple :
L’ovomucoïde thermorésistant se lie à d’autres protéines comme le gluten dans une recette de gateau. Il y alors formations des petits amas qui rendent ses protéines d’œuf moins reconnaissable par les IgE spécifiques anti-ovomucoide . C’est un peu comme un cheval de troie. Ils sont là sans l’être vraiment en tout cas pour les IgE spécifiques.
Pour le lait , le phénomène est identique. Afin de réduire son allergénicité, le mélanger avec de la farine et le passer au four dans une recette est plus efficace que de le faire bouillir seulement. L’allergène bêta Lactoglobuline créé des liaisons particulières avec d’autres protéines. Ainsi les IgE spécifiques anti beta lactoglobuline ont plus de mal à les reconnaître.
Toutes ces notions sont donc très intéressantes pour les inductions de tolérance alimentaire (ITO). I mises en place après un bilan allergologie et dans certaines indications.( voir autre post joue aussi sur l’allergénicité des aliments tout du moins pour l’oeuf et le lait puisque les allergènes perdent de leur potentiel allergisant en se liant dans la recette à d’autres éléments . Lors de certains protocoles de réintroduction, les premières prises sont réalisées sous forme de gâteaux.
L’effet Maillard .
Le brunissement et la modification de la saveur des aliments sont dus à l’effet Maillard ( ensemble de réactions chimiques s’opérant durant la cuisson). Seulement voilà , d’un point de vue allergologique, ce phénomène peut augmenter l’allergénicité des certaines protéines . C’est d’ailleurs le cas pour l’allergène Ara h1 lors de la torréfaction de l’arachide contrairement à l’arachide bouillie. Il en va de même pour le potentiel allergique accru des pollens contenus dans la gelée royale durant l’étape de lyophilisation.
Illustration Freepik
références
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1877032022002743
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1877032020303961
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S033574570800186X
Bonjour Madame,
Merci beaucoup pour cet article très intéressant. Je m’interroge d’un point de vue professionnel sur l’incidence d’un traitement thermique (280°C) sur des résidus d’allergènes pouvant se retrouver sur des matières premières destinées à être mises en œuvre (par injection) pour produire des emballages alimentaires. Pourriez vous m’éclairer sur le sujet ou éventuellement m’indiquer des articles/études dont vous auriez connaissances?
Merci d’avance pour le temps que vous pourrez me consacrer
Je réponds un peu tardivement mais je n’ai pas trouvé de publications qui m’aide à vous répondre. cela dit votre questionnent extrêmement interessante. ce que je peux vous dire par contre c’est que l’influence de la cuisson peut varier selon les allergènes pour un même aliment et qu’il est difficile de réponde en général . Chaque aliment est un réservoir à allergènes de famille différente.