le PAI, Projet d’accueil individualisé qui permet d’accueillir l’enfant allergique à l’école et d’agir en cas de réaction allergique est un outil précieux. Mais que s’est-il passé ? Le futur PAI 2019 national ne sert malheureusement pas l’intérêt de l’enfant allergique.
J’ai reçu il y a trois jours ce PAI. » Il s’agit à quelque détails près du futur PAI national en attente. Il a été validé localement, expérimenté par des collègues en Nord-Franche-Comté et par les services de l’Education Nationale qui l’ont validé ». Je m’en étrangle encore.
Un rappel de l’histoire des PAI
Dans les années 1994, les patients allergiques ont pu bénéficier d’un protocole administratif existant dans l’éducation
nationale pour être scolarisé malgré leur allergie.
C’était une avancée importante : la fin théorique des évictions.
Malheureusement tout n’était pas si beau : le temps périscolaire, l’implication des mairies et leur potentiel responsabilité dans un accident ont beaucoup mis de batons dans les roues de ce progrès. Mais bon an mal an, les choses ont avancées et le progrès a été là pour la plupart des enfants Une trousse d’urgence disponible sur le lieu de scolarité, un repas à la cantine.
En ce temps là, une ordonnance et un certificat étaient les deux seuls documents nécessaires à sa réalisation.
Peu à peu, les associations de patients comme l’Afpral et des groupes de médecins comme l’Apala, en Aquitaine, ont travaillé avec les acteurs de l’Éducation nationale, locaux ou nationaux, pour produire des documents encadrant les modalités. Il y a eu moins de dérives, moins de prescriptions fantaisistes, moins d’errances. Le gain était là avec en seules contraintes une ordonnance et un certificat / protocole d’urgence détaillant les conditions d’usage des médicaments de l’ordonnance de manière précise.
Alors oui, bien sûr, il y avait quelques effets pervers, les ordonnances se sont multipliées. Une trousse pour l’école, une trousse pour le périscolaire, une trousse pour la garderie du mercredi, une pour papi-mamie le week-end et une pour papa et une pour maman puisqu’ils sont maintenant séparés.
Avant le PAI faisait trois pages
Nous voici en 2010, le PAI fait désormais 3 pages qui doivent être signées ici, tamponnées là, avec des cases à cocher.
Neuf signatures sont requises pour le valider : parents, enfant, responsable d’établissement, médecin scolaire, allergologue ou médecin traitant, infirmière, personnel de cantine, responsable de restauration scolaire, infirmière.
Faire signer autant de personnes, c’est diluer d’autant la responsabilité de chacun.
2018, le PAI se réforme et Oasis-allergie s’en faisait pour vous écho l’an dernier.
Trois pages, un engagement parental, l’usage en premier du stylo auto injecteur d’adrénaline pour ne pas perdre de temps/chance, l’apparition de QR code pour les modes d’emploi des 4 stylos disponibles sur le marché.
S’y ajoute une fiche de liaison avec des cases à cocher auxquelles il semble bien difficile de répondre et la case « ne se prononce pas » risque d’être celle par défaut…
Il y a clairement du mieux dans cet avant-projet : l’utilisation du stylo auto injecteur en premier, un document synthétique.
C’est la rentrée 2019 et j’ai reçu par mon association régionale, le RAFT, l’état de l’art à l’essai du PAI national prévu.
J’ai d’abord dit : chouette, vraiment.
J’aime bien améliorer ma pratique, faciliter la vie des gens, progresser.
Patratas, ce PAI est inutilisable
Puis j’ai vu le document : 8 pages, oui : HUIT pages.
Nous parlons là d’un document faisant état d’un protocole d’urgence, d’URGENCE. Une conduite à tenir diluée en huit pages tamponnées, signées, multi-actorielles.
Le PAI 2019 en région Bourgogne Franche Comté à la sauce nationale
• Une page 1 administrative peu changée par rapport aux années 2010 : l’engagement signé (deux fois donc sur la même page) des parents. L’allergologue la signe aussi.
• Une 2e page pour l’allergologue : il faut mettre les noms des médicaments ET le lieu de rangement (que l’allergologue ne connaît pas donc cette page sera remplie par quelqu’un d’autre, source d’erreur).
• La 3e page c’est le protocole : un protocole à trou dans lequel le médecin mettra le nom des médicaments cités la page précédente.
C’est redondant et c’est un problème car chaque fois que l’on recopie quelque chose il y a risque d’erreur.
• La 4e page est pour le médecin scolaire qui décide des évictions à appliquer à l’enfant.
Je lui souhaite bonne chance : s’il n’a pas par lui-même de bonnes connaissance en allergologie et s’il ne connaît pas très bien l’historique allergique du patient.
Comment décidera t il de l’autorisation de la restauration collective? Du goûter ? Des sorties?
Je n’aimerai pas être à sa place.
On n’en peut déjà plus
• La 5e page répète les coordonnées du médecin et de l’enfant.
C’est un protocole d’urgence hein : appeler le médecin prescripteur est une perte de temps, une perte de chance. On pique et on appelle les urgences ! C’est vital.
• La page 6 est la page du coupeur de cheveux en quatre. Deux lignes pour le ou les aliments responsable(s) d’allergie à déclaration obligatoire (ADO). Deux lignes pour les allergènes à déclaration non-obligatoire (ADNO). Une ligne de nuance éventuelle sur la cuisson. Une autre (d’une subtilité incompréhensible) pour dire si l’allergène a un seuil de tolérance faible (sous entendu potentiellement grave avec des traces. Le tout est suivi de cases à cocher reprenant les éléments de la page 2 et 3…
Encore une redondance, encore une source d’erreur.
• La page 7 comporte 24 cases à cocher pour les différentes options d’accueil de l’enfant : Oui, VINGT-QUATRE OPTIONS, voilà.
• La page 8 est la page règlementaire qui donne la liste des allergènes à déclaration obligatoire.
C’est parce que s’il y a un choc anaphylactique, j’imagine qu’on doit savoir s’il se produit avec un aliment ADO pour lequel il y aurait une erreur ou bien si l’enfant meurt parce que l’étiquette a été mal comprise.
Important ? J’imagine puisque c’est dans les 8 pages…
L’enfant allergique doit rester au cœur de l’action
Voilà le contenu de cette version nationale. Je sens bien là que chacun, dans cette rédaction, a voulu rajouter son grain de sel. Participer pour bien montrer son implication. Mais le résultat est qu’au lieu d’avoir bénéficié d’une collaboration synthétique des avis, une intelligence en phase pour l’intérêt du patient, nous avons une somme redondante, obscure où chacun voit sa partie traitée, répétée. Avec les parties communes aux autres pour réaliser un document inutilisable. Il ne sert les intérêts de personne et surtout pas ceux du petit patient allergique,nécessitant une scolarité sereine.
Non mais sérieusement : un petit bonhomme vient me voir parce qu’il est allergique à l’oeuf et à l’arachide :
Je vais remplir 8 pages de documents abscons avec des redondances où je me tromperai une fois toutes les trois pages. Pour un détail mineur. Qui rendra le PAI invalide. Je vais imprimer 3 ou plus ordonnances. je vais faire un ou deux certificats (parce qu’il y a le club de sport, l’avocat du parent divorcé, le péri-scolaire et le voyage à l’étranger).
Je vais cocher parmi les 24 options celles qui me semblent les plus pertinentes. Sans savoir ce qui est possible en vrai dans cette école.
Ses parents vont devoir s’entendre pour savoir QUI signe, et prend la responsabilité du PAI.
Le médecin scolaire décider des évictions pour l’enfant, alors qu’il ne sait pas trop quel est le niveau d’allergie. Quel est le risque dans cette vie scolaire ?
Les 3 ou 4 autres intervenants signataires devront apposer leur signature, responsabilité, sur un document dont il ne maitriseront pas le contenu et seront en aucun cas capable de le synthétiser en 2 minutes.
Et tout cela pour que, parmi les 8 pages, seule devrait servir la page 3 ?
Malheureusement elle ne peut pas servir seule car les noms des médicaments sont en page 2 et les circonstances de gravité en page 6 ?
À quoi sert le PAI ?
À être rangé dans un dossier et à montrer qu’administrativement le travail est fait ? Pour ma part, je pensais qu’un PAI c’était pour sauver la vie d’un enfant allergique en cas de problème à l’école.
Celui-là est dangereux, c’est désolant.
J’invite tous les allergologues à utiliser leur ancien modèle. A défaut d’être national, il est utilisable et sert les intérêts de l’enfant allergique.
Une synthèse rapide du problème et de la conduite à tenir en cas d’accident.
J’invite toutes les associations régionales de médecin allergologues et les associations de patients à reprendre le projet. Pour réaliser un document efficace, au service de l’enfant.
Sources
Catherine Quequet vous montre l’utilisation du stylo auto-injecteur d’adrénaline (toutes marques)