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Choc anaphylactique : les minutes graves d’Amélie

Journaliste, j’ai un goût prononcé pour les domaines de l’alimentation et de la santé avec une spécialité dans les sciences du vivant. L'allergie est une longue histoire dans ma vie, une planète sur laquelle j'écris, sur laquelle je vis, depuis 17 ans maintenant.
Choc anaphylactique : les minutes graves d’Amélie Posted on 2 février 2020Leave a comment
Journaliste, j’ai un goût prononcé pour les domaines de l’alimentation et de la santé avec une spécialité dans les sciences du vivant. L'allergie est une longue histoire dans ma vie, une planète sur laquelle j'écris, sur laquelle je vis, depuis 17 ans maintenant.

Aujourd’hui nous laissons la parole à Amélie, allergique aux noix. Une jeune femme avec la tête sur les épaules, la trentaine, connaissant bien sa maladie. Et pourtant, elle s’est retrouvée dans un état de péril intense en quelques minutes. Elle témoigne :

J’écris ce qui m’est arrivé…

« J’écris ce qui m’est arrivé avant tout dans l’espoir que cela aidera peut-être quelqu’un qui se retrouverait dans mon cas. Alors avant de tout raconter, et au cas ou vous ne finissez pas de lire ce témoignage, je voulais souligner les deux points qu’il me semble primordial de partager : si on sait que l’on fait un choc anaphylactique il faut se faire l’injection d’adrénaline tout de suite puis appeler le SAMU et les attendre.

Malgré plusieurs chocs j’ai encore attendu pour me faire l’injection car inconsciemment j’étais retenue pas les mille et un avertissements entendus au fil des années : il faut attendre d’être en détresse respiratoire. Vous verrez dans l’épisode que je vais vous raconter à quel point ça peut être dangereux.

J’ai fait confiance à l’étiquetage

Vendredi 3 janvier je suis allée chez un traiteur italien du 17e arrondissement. J’ai pris des raviolis frais épinards ricotta. Bien que je demande presque systématiquement depuis plus de 15 ans des questions aussi étranges et déroutantes que « il y a des noix dans votre bœuf bourguignon ? » ou « vous ne mettez pas d’huile de noix dans la mayonnaise ? » ; cette fois çi j’ai fait confiance à l’étiquetage.

Bref le soir même j’ai cuisiné ça à la maison. J’ai à peine croqué un ravioli que je l’ai immédiatement recraché en demandant à mon compagnon d’appeler les pompiers. J’ai sorti mon epipen, j’ai pris les pompiers au téléphone, j’ai expliqué que je faisais un choc anaphylactique. 

Mon correspondant n’était pas complètement à l’aise avec le concept de choc anaphylactique. Il a cependant tout de suite fait dépêcher un camion et une équipe en bas de chez moi. Il m’a dit d’attendre leur arrivée pour savoir si je devais me faire l’injection. 

Entre la bouchée maudite et l’arrivée des pompiers il s’est passé moins de 20 minutes et je commençais à être en détresse respiratoire. Les pompiers m’ont expliqué que pour des raisons budgétaires ils ne venaient plus avec un médecin. Ils ont donc appelé un médecin qui devait les aider par téléphone, ils semblaient un peu perdus. Sentant mon état empirer rapidement et ma conscience décliner proportionnellement, j’ai coupé court à leurs échanges et leurs ai dit que je me faisais mon injection.

Mon injecteur n’a pas fonctionné

Mais voilà, mon injecteur n’a pas fonctionné. 

Les pompiers pensant que j’étais trop faible ont aussi essayé de forcer le bouton pression, sans succès. Quelques secondes plus tard elle s’est déclenchée dans mon pouce et a été arrêté par mon ongle. 

A ce moment-là, tout ce que j’avais mobilisé comme effort pour combattre le choc anaphylactique est retombé d’un coup. 

Je n’avais pas lâché l’épipen depuis le début du choc. par le passé, je me suis déjà injectée de l’adrénaline lors d’un choc. Je sais que dès que je me pique je suis potentiellement sortie d’affaire. Mais là, ça m’a littéralement claqué dans les mains et tous les pompiers du monde ne pouvaient rien changer à ça.

L’œdème me bouffait le visage, j’étais paniquée

Je respirai très mal, l’œdème me bouffait le visage, j’étais paniquée et j’avais chaud. J’ai vaguement pu articuler que j’en avais un autre chez moi, au troisième étage. Mon ami et un pompier sont montés en courant.

Ce sont les deux minutes les plus longues de ma vie. Le pompier au téléphone avec le médecin était fébrile. J’étais épuisée. Et la seule chose à laquelle  je pouvais penser c’était : est ce qu’ils trouveront le bon placard ? 

La deuxième injection a fonctionné. Je vous passe les détails mais il aura fallu une heure encore et l’arrivée du SAMU pour que mon état se stabilise suffisamment pour que l’on puisse m’emmener aux urgences.

Je suis restée aux urgences 7h pour m’assurer que je ne ferai pas d’effet rebond. Comme il n’y avait plus de lit, j’étais dans une salle d’attente avec d’autres patients, nos perfusions étaient accrochées à des portes manteaux au niveau des sièges.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, à chaque fois que j’y passe je constate l’avancée inexorable du délabrement des urgences. Pas de lit, moins de personnel, des toilettes qui débordent, des médecins qui courent… 

Sept heures assise dans les couloirs

Sept heures assise dans les couloirs à les regarder travailler ça m’a pas mal secouée. Je sais qu’ils sont en grève depuis 6 mois, même s’ils continuent à travailler. Ils n’ont pas un métier, ils ont une mission. 

Alors, pour finir, je voulais remercier les pompiers, le SAMU et les urgences. J’aimerai qu’on les entende parce que, égoïstement, je ne souhaite pas vivre dans un pays qui fait des économies sur nos espérances de vie.

Oh et puis, j’ai prévenu le traiteur, il m’a répondu que les gens qui sont « vraiment allergique, ils demandent avant d’acheter ».


Illustrations : Franck Busch pour Unsplash


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Journaliste, j’ai un goût prononcé pour les domaines de l’alimentation et de la santé avec une spécialité dans les sciences du vivant. L'allergie est une longue histoire dans ma vie, une planète sur laquelle j'écris, sur laquelle je vis, depuis 17 ans maintenant.

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