Nul besoin de fréquenter la salle de sports pour tonifier ses muscles de la langue. Ceux-ci ont un rôle essentiel dans l’acquisition d’un sommeil réparateur surtout en présence d’une apnée du sommeil. Le kinésithérapeute Thierry Gouzland, expert dans ce domaine, nous explique pourquoi, il est impératif de s’exercer plusieurs fois par semaine à la maison. Cependant le bilan préalable spécialisé est nécessaire pour évaluer la prise en charge future.
Quel est le but premier de la kinésithérapie linguale?
« Certes la musculation linguale (ou plutôt thérapie myo fonctionnelle), compose une des facettes dans la prise en charge du SAOS. Cependant, même si la langue constitue un des éléments majeurs bucco-pharyngé, elle n’en est pas la seule représentante. En effet, il faut également s’intéresser à la problématique ventilatoire. Certains patients présentent une fonctionnalité de la langue correcte avec cependant des troubles de la respiration. Rappelons que celle-ci doit être nasale et non buccale . La mobilité du voile du palais est aussi à évaluer.En ayant en main tous ces éléments, le rééducateur oro-maxillo-faciale décide alors de la meilleure attitude thérapeutique à adopter en accompagnement ou non selon les cas l’appareillage ou l’orthèse d’avancée mandibulaire » rappelle Thierry Gouzland
Un bilan initial
En premier lieu, une mise en garde s’impose. Des personnes se lancent trop souvent dans des exercices non adaptés à leurs problèmes et qui ne leur correspondent pas précisément. Comme le rappelle en introduction notre expert,les exercices s’appliquent au cas par cas. « Pour cette raison l’étape préalable d’évaluation est essentielle. Il n’est pas question de se lancer seul(e) dans des mouvements vus sur des tutoriels trouvés sur les réseaux sociaux. Seul un kinésithérapeute rompu à la problématique du SAOS ,peut ensuite indiquer avec précision la démarche à suivre pour obtenir une bonne respiration nasale et un positionnement correct de la langue « ventousee » au palais. Il est alors question de situer les structures sur lesquelles il va falloir travailler. D’autres part ce bilan de première intention permet de préciser si la rééducation apportera une véritable amélioration au patient.Ensuite il s’agit de mettre en œuvre les exercices qui sont à réaliser quotidiennement matin et soir à domicile ».
Tonification et acquisition d’automatismes
Pour le patient, dans l’idéal, les exercices quotidiens durent de 3 à 4 minutes matin et soir. Puis se programme mensuellement une évaluation de la progression par le rééducateur. Les mouvements sont ainsi adaptés au fur et à mesure en fonction de l’évolution clinique . C’est alors que l’on peut obtenir un tonus musculaire suffisant et changer le comportement des tissus« .
« Parallèlement à cela, le patient doit acquérir certains automatismes au cours de la journée. Il surveille la position de la langue collée au palais et garde le contact des deux lèvres afin de favoriser la respiration nasale. Si ces deux critères ne sont pas acquis, la kinésithérapie n’a pas l’effet escompté. Il faut donc, en quelque sorte, réhabituer la personne à avoir uniquement une respiration nasale. Cela permet de réchauffer l’air, l’humidifier, capter le monoxyde d’azote nasal. Pour une bonne prise en charge trois axes sont complémentaires en agissant sur:
–Le versant musculaire ORL et pharyngé
– Le côté ventilatoire avec explication de la mobilité diaphragmatique etc.
– L’hygiene nasale et retrouver la notion de flux d’air par le nez et non par la respiration buccale ».
Les exercices pour les adultes ou les enfants sont-ils les mêmes?
Cette rééducation s’applique autant chez l’adulte que chez l’enfant ( à partir de 3 ans 1/2-4 ans) avec toutefois quelques disparités. En effet à l’âge adulte, la croissance faciale est terminée. Thierry Gouzland explique qu’en région Nouvelle-Aquitaine un dépistage en milieu scolaire a vu le jour avec le programme Isidore
En ce qui concerne l’enfant, en cas d’hypertrophie amygdalienne, l’amygdalectomie dans le cadre du SAOS est désormais une indication de chirurgie O.R.L. Cependant comme le signale T. Gouzland « en postopératoire, certains sont améliorées d’autres non, avec un retour à la respiration buccale alors qu’il n’y a plus d’obstruction. Là encore la kinésithérapie maxillo-faciale prend tout son sens en collaboration avec les spécialistes ORL. Quant à la mode anglo-saxonne de Frenotomie ou de frenectomie elle est à tempérer« . C’est d’ailleurs dans cette optique que l’académie de médecine publie en juillet 2022 ,une mise en garde.
Faut-il suivre une formation spécifique pour pratiquer cette spécialité?
Notre expert explique que
« Dans le cadre du cursus initial des études de masseur kinésithérapeute, bien évidemment, le sujet est abordé. Cependant, il vaut quand même mieux suivre une formation véritablement adaptée au SAOS. Ainsi un diplôme d’université dispensé à Bordeaux et reconnu par le Conseil de l’Ordre est proposé depuis quelques années. Il y a également la possibilité de suivre des formations privées.
Dans le cadre du syndrome d’apnée du sommeil nous avons monté avec cardiosleep,une formation spécifique ( Somnoreab) pour la thérapie et rééducation pédiatrique et adulte. Durant cet enseignement, un grand nombre de professionnels de santé avec validation de DPC(Médecin, orthophoniste, kiné, dentistes etc .)sont amenés à appréhender au mieux la prise en charge de cette pathologie. De fait selon leur mode d’exercice ,ils peuvent pratiquer cette discipline spécifique ou au moins en connaître les bonnes indications. Parallèlement, cela permet dans un deuxième temps la création de liens interdisciplinaire, une émulation des connaissances et un maillage professionnel intéressant pour toutes et tous ».
Illustration DCSstudio pour Freepik
Références
1- Somnorehab https://www.cardiosleep.fr/cible/formation-therapeutes-myo-fonctionnels/
2-Programme Isidort de l’URPShttps://www.isidort.fr