Elles ont eu lieu à Paris, les 18 et 19 novembre, organisées par le groupe d’allergologie moléculaire de la société française d’allergologie grâce au talent d’organisateur d’Hervé Masson et sous le patronage bienveillant de Madame la professeur Gabrielle Pauli. Et c’était bien. Alors je vous la raconte façon allergologie pour les nuls (que les dieux de l’allergologie moléculaire me pardonnent).
Le samedi était consacré à la biologie et à l’immunologie
D’abord, Cyril Hoarau nous a présenté les épitopes.
Quand je suis allergique aux acariens, je peux être allergique à plusieurs molécules présentes dans les débris d’acariens. Des morceaux de muscle, des enzymes, des morceau de carapace etc. Chaque allergique « choisi » ses molécules et celles les plus fréquemment choisies sont appelées « allergènes majeurs ». Et c’est tout?
Eh bien non. Votre allergène c’est une molécule : un ensemble d’acides aminées greffés sur d’autres structures (des sucres, des lipides, des protéines). Et cette molécule, eh bien elle est pas toute droite comme un « i » non. Elle se tortille sur elle même avec des ponts, des plis, des replis.
Voilà, vous avez donc un truc tout entortillé, l’allergène, qui présente à l’extérieur un ensemble de séquences d’acide aminés. Vous allez faire des anticorps contre ces petites séquences ainsi présentées au monde et les y emboiter précisément l’extrémité dite Fc de celui-ci. L’épitope c’est ça : la séquence d’acide aminés présentée au monde.
Votre anticorps IgE s’y fixe et quand il en fixe deux et qu’il est fixé sur la paroi du mastocytes il l’active déclenchant la réaction allergique. Il y a des epitopes tout à la suite (structurels) ou construits par les replis de la molécule (conformationnels). Ces derniers sont évidemment plus sensibles aux conditions du contact (détruits à la cuisson etc.).
Ce qui est rigolo c’est qu’il y a des épitopes différents selon que l’anticorps est différent. Ceux de la famille D, G ou E ont chacun leur site de fixation et parfois ils se gênent si bien que la fixation d’IgG sur un épitope peut empêcher l’IgE de s’y fixer, empêchant la réaction allergique. C’est peu-être comme ça que la désensibilisation (immunothérapie allergénique) crée la tolérance pour l’allergène.
Des outils informatiques pour comparer les molécules
Prédire l’allergénicité, in vitro et in silico : Paul André Apoil et Katrine Lindholm Bøgh ont essayé de nous expliquer comment ils font.
Il y a plein d’outils informatiques qui comparent les molécules connues comme étant des allergènes aux nouvelles molécules. Cela permet d’évaluer par exemple l’allergénicité d’un nouvel aliment, en théorie.
Nos deux intervenants ont donc fait plein de tests avec plein d’outils : sur les molécules et sur les épitopes. On ajoute une variation sur l’épitope : avec conservation ou perte de la fonction.
En résumé, c’est encore très imparfait, façon Garcimore « des fois ça marche, des fois ça marche pas ».
Ensuite, Pascal Poncet nous a montré qu’au cours de la désensibilisation (plutôt des induction de tolérance en fait : lait, oeuf) les épitopes reconnus diffèrent et que c’est probablement là aussi une manière de créer de la tolérance. Les tolérants au lait reconnaissent certains epitopes, ceux qui le restent en reconnaissent d’autres. Une piste intéressante pour le futur.
L’après-midi on nous a parlé des carbo-hydrates (CCD, des sucres très présents dans nos organismes) : les allergologues les connaissent bien car dans les dosages moléculaires natifs ils induisent des faux positifs dans nos dosages. Edzard Spillner nous montre les différents groupes (A végétaux, B des mammifères puis C et D). Il nous rappelle que 75% des réactions croisées observées biologiquement entre abeille et guêpe sont liées à ces CCD et sont donc de fausses réactions croisées.
PIerre Rougé nous présente les ligands : des molécules qui structurent les allergènes. Leur solidité, leur type joue beaucoup sur l’allergénicité en enfermant ou en révélant facilement des épitopes normalement cachés au coeur de la molécule.
Le dimanche, c’est pour les allergologues !
Le samedi était quand même très théorique pour nous allergologues, le dimanche nous a redonné du baume au coeur : on rentre dans notre quotidien.
Christiane Hilger nous présente son travail à l’EAACI avec le guide d’allergologie moléculaire 2.0, mise à jour de la version 1 datant de 2016. Il y a des familles allergéniques nouvelles, des allergènes nouveaux et des algorithmes décisionnels mis à jour. C’est à lire gratuitement sur le lien.
Les Oléosines sont une découverte pour moi : je les pensais anecdotique dans leur rôle clinique mais non. Il y a d’authentiques réactions aux oléosines (en particulier pour le sésame et la noisette) et il faut y penser même si pour détecter une sensibilisation nous ne pouvons compter que sur les puces multiallergéniques (non remboursées et fort onéreuses).
On finira la matinée avec les allergènes des légumineuses (trois familles principales: Arachide, Soja et pois-lentilles; le fenugrec est à part et il faut surveiller pour le futur le genre vignata qui a probablement son statut propre) et ceux des insectes avec une molécule non identifiée de 60kDa dans un syndrome tenebrion/grillon/crabe/moule/escargot).
Voilà, un résumé succin. Vous avez encore faim ? Il va falloir penser à vous inscrire à la prochaine édition, dans deux ans.
illustration KamranAydonov pour freepik